Ah, l’heure des devoirs… Pas toujours une partie de plaisir ! Educawa propose d’en faire un vrai moment de transmission en permettant aux grands-parents d’aider leurs petits enfants à faire leurs devoirs. Cette année, le projet est lauréat de l’appel à projets “Bien vivre sa retraite, le plus longtemps en autonomie” porté par l’Assurance Retraite Île-de-France et AG2R La Mondiale. Rencontre avec ses fondatrices Emilie Guibert et Hélène Boulet-Supau.
Si vous deviez pitcher votre projet à vos grands-parents, ça donnerait quoi ?
Hélène : Educawa est une plateforme web qui accompagne les séniors qui font de l’aide aux devoirs. Notre mission est de donner des outils à la fois académiques - conformes à ce que dit la maîtresse - et pédagogiques aux grands-parents mais aussi aux seniors qui ont envie de transmettre, de façon à faire des devoirs un moment de plaisir partagé. Nous mettons tout en place pour que les seniors se sentent à l’aise : on décortique les programmes scolaires du primaire au collège, on dédramatise des termes qui peuvent paraître barbares... Car s’il y a bien une chose dont on est sûres, c’est qu’on ne s’invente pas pédagogue : ça s'apprend !
Pourquoi avoir choisi les devoirs pour rapprocher les générations ?
Emilie : Pendant le confinement, mes parents ont gardé mes neveux et nièces. Pour mon neveu, c’était devenu un rituel de monter dans le bureau de son papy. Leurs échanges lui ont fait du bien, et il a énormément progressé. Quand les choses sont dites par les grands-parents, elles ont souvent plus d’empreinte et de force. Mais ce n’est pas toujours facile d’expliquer aux enfants. Il faut s’armer de patience pour trouver les bonnes méthodes ! Dans le contexte actuel, beaucoup de grands-parents comme eux se sont retrouvés à garder leurs petits enfants et étaient complètement perdus dans la façon d’enseigner aujourd’hui. Pour eux, on a voulu créer un outil simple, inclusif et ludique.
Hélène : Ayant eu 4 enfants, je peux vous dire que faire les devoirs avec les enfants, ce n’est pas chose facile ! Pour les seniors, ce peut être une véritable épreuve parce que les programmes, les méthodes, le vocabulaire ont changé. Par exemple, on ne fait plus les divisions de la même façon. On a rencontré Micheline qui considérait qu’elle ne pouvait pas aider sa petite fille en maths, parce qu’elle n’avait pas appris avec le même jargon. Comme elle, beaucoup de grands-parents n’ont pas fait d’études et ne se sentent pas forcément légitimes dans ce rôle.
Et vous, où avez-vous posé vos cartables ?
Emilie : J’ai passé les 5 dernières années dans le secteur du médico-social, et ai été directrice d’EHPAD pendant un peu plus d’un an. Je trouve qu’aujourd’hui les personnes âgées sont énormément stigmatisées. Le jargon qui les qualifie en est la parfaite illustration : 4ème âge, seniors… “vieux” est devenu un terme péjoratif alors qu’il ne devrait pas l’être. Les vieux aussi ont droit à des outils sympas !
Hélène : Ca a été la combinaison de plusieurs facteurs. D’abord il y a eu la rencontre avec Emilie, qui était ma première stagiaire chez Sarenza il y a 12 ans. Il y a quelques mois, elle cherchait un poste et j’ai pensé que c’était le moment idéal pour monter un projet ensemble. Sa passion pour le “Bien vieillir” a orienté notre réflexion. De mon côté, je considère le cap de la retraite comme une nouvelle vie qui s’ouvre. Il faut la construire, se rendre utile... Étant moi-même entrepreneuse, j’ai toujours plein d’idées sous le coude. Je me suis dit : qu’est-ce qu’on pourrait faire pendant cette nouvelle vie ?
Parlez nous d’un·e senior qui vous a donné une leçon de vie
Hélène : A l’automne dernier, j’ai entendu un reportage sur la “Nun Study”, une étude sur des religieuses atteintes d'Alzheimer alors que ça ne se voyait pas du tout ! Notamment une qui a enseigné jusqu’à ses 80 ans. Son utilité sociale a fait reculer sa maladie. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le principal problème dans la perte d’autonomie ce ne sont pas les défaillances physiques mais plutôt la dégénérescence cognitive. Le seul moyen de la faire reculer, c’est en maintenant l’activité cognitive, le lien avec les autres et l’utilité sociale.
Vous serez accompagnées pendant 12 mois par l’Assurance Retraite Île-de-France et AG2R La Mondiale. Qu’attendez-vous de cet accompagnement ?
Hélène : Au-delà du réseau et de la force de frappe considérables dont on va bénéficier, être associées à deux grands noms comme AG2R et l'Assurance Retraite Île-de-France va nous permettre de générer de la confiance auprès des seniors. C’est un atout capital, surtout quand on développe un service à distance comme le nôtre. Le soutien que nous avons reçu va aussi nous permettre de créer du contenu écrit et vidéo de qualité en recrutant une équipe de choc !
Emilie : Educawa s’inscrit dans l'Économie Sociale et Solidaire (ESS) et notre impact sur le bien vieillir est au cœur de notre projet. Cet accompagnement va aussi nous aider à mesurer les bénéfices concrets sur les personnes retraitées, en termes de lien social mais aussi de santé.
Quelles sont les prochaines étapes pour Educawa ?
Emilie : Notre service sera opérationnel dès la rentrée 2021, en septembre. Mais pour le moment, nous développons la plateforme. On se concentre sur les mathématiques et le français car ce sont des matières essentielles. Dans un second temps, on s’attaquera à l’anglais, l’histoire-géographie ou encore les sciences. En parallèle, on aimerait créer des modules de pédagogie pure : Comment travailler la concentration ? Quels sont les rituels à mettre en place ? Comment apprendre une poésie ?
Hélène : On souhaiterait aussi développer un chat communautaire pour encourager les seniors à échanger leurs trucs et astuces. Pour ce faire, on compte mobiliser des professeurs et instituteurs·trices retraité·e·s qui ont une énergie et une envie de transmettre extraordinaires. Ils·elles pourront répondre aux questions des seniors et partager leurs expériences. L’échange de bonnes pratiques est clé car les enfants n’apprennent pas tous de la même façon - et quelque part ça enlève beaucoup de pression !
Selon vous, que signifie “Bien vivre sa retraite” ?
Emilie : Il me semble essentiel d’avoir anticipé, préparé son passage à la retraite. Parmi les seniors que j’ai interrogés, certaines personnes étaient déjà très actives en dehors de leur travail et pour elles, le passage à la retraite s’est fait en douceur. D’autres à l’inverse se sont retrouvées complètement déboussolées du fait de la coupure du lien avec leurs collègues. L’enjeu majeur est de retrouver cette utilité sociale.
Hélène : Pour vivre sa retraite sereinement, il faut être en bonne santé physique et mentale. Cela veut dire sortir et voir du monde, mais aussi rendre service. Car c’est précisément ce sentiment d’être utile aux autres qui permet de conserver l’estime de soi.
Educawa vient de lancer sa campagne de crowdfunding ! Pour les soutenir à partir de 1€, c'est par ici.