Les grands-parents ne comprennent rien aux iPads et les jeunes ont remplacé leurs correspondances juvéniles par des emojis-clin-d’oeil ? Au lieu de forcer la main des personnes âgées en leur imposant le numérique comme porte d’entrée du lien familial, Famileo s’occupe de la « traduction » pour renouer l’amour familial !
Durant la première moitié d’année 2017, MakeSense s’est associé à la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse (CNAV) pour porter une mobilisation qui nous est chère : le mieux vieillir. Qu’il s’agisse de santé, de lien social, de mobilité, de sécurité, d’habitat ou de transmission de savoir-faire, MakeSense STORiES s’est engagé à raconter des histoires inspirantes ou à présenter des solutions pour améliorer la vie des seniors au quotidien !
« Le papier a une saveur que le numérique n’a pas ».
À cette punchline d’Armel de Lesquen, co-fondateur de Famileo, on se répond intérieurement « ça dépend pour qui ». Mais on est bien obligé de constater que Snapchat, ce n’est pas fait pour tout le monde, et que les outils numériques ont bouleversé les rapports entre les jeunes (nous, qui avons le nez collé sur nos smartphones) et les grands-parents (qui n’ont pas le temps, ou simplement l’envie, de s’approprier des outils dont ils n’ont pas besoin). Bon, comment on donne des nouvelles à « papymamy », alors ? Armel, co-fondateur de Famileo, a sa petite idée.
Pourquoi as-tu voulu créer Famileo, quel était le déclic ?
Armel : Nous avions offert une tablette à ma grand-mère pour qu’elle puisse facilement recevoir des nouvelles de toute la famille. Mais j’ai remarqué qu’elle ne l’utilisait pas vraiment, simplement parce que ça lui semblait complexe, qu’une fois les photos « parties » de l’écran, elle n’avait pas la technique pour les rouvrir avec la bonne appli… Bref, je me suis dit qu’on était dans le faux en pensant pouvoir « imposer » des engins et des outils à des gens pour qui la révolution numérique n’est pas quelque chose de nécessaire. Si certaines personnes âgées sont très contentes de découvrir toutes les possibilités du numérique, il faut savoir respecter ceux qui aimeraient juste avoir des nouvelles de leurs petits-enfants sans avoir à s’aligner sur leurs usages à eux.
Du coup, comment faire pour réussir à reconnecter les grands-parents et les petits-enfants ?
Tanguy (le second co-fondateur de Famileo) et moi nous sommes dit qu’il suffisait d’écouter les désirs des personnes isolées chez elles ou en maison de retraite. Et elles ont envie de voir ou de lire quelque chose de tangible. Du coup, avec Famileo, on offre la possibilité aux générations du dessous d’accéder à une interface proche de celle d’un réseau social, pour publier des petits mots, des photos, des nouvelles de toute la famille. Ensuite, le contenu se met en page automatiquement pour produire une « Gazette » familiale que les grands-parents peuvent lire comme s’ils lisaient un journal, ou feuilletaient un album photo. Ils peuvent le garder à portée de main, ressortir des « éditions » antérieures…, c’est un objet qui leur donne beaucoup plus l’impression d’être en contact avec leurs proches, de se sentir aimés.
Il y a un moyen pour les personnes âgées d’aller consulter ce contenu en version numérique ?
Oui, mais on se rend compte aujourd’hui que ça représente une part minuscule de ce qu’on fait. C’est important pour nous de laisser le choix et de ne forcer personne, mais on croit vraiment à cette « traduction » de formats, pour que les membres de la famille, surtout ceux qui sont partis travailler ailleurs, puissent donner des nouvelles d’une façon qui leur convienne, et qu’elles arrivent d’une manière bienveillante aux destinataires.
Avec tout ça, le petit Kevin ne va pas en profiter pour oublier d’aller voir mamie Josette ?
Figure-toi qu’on a remarqué exactement le contraire. Pose-toi la question : si tu ne donnes pas de nouvelles à tes grands-parents pendant longtemps, tu as de plus en plus l’impression que vos deux mondes s’éloignent, que vous n’avez plus grand chose à vous dire, non ? Avec ça vient aussi un sentiment de culpabilité qui, au final, empêche de réactiver la relation, davantage qu’il ne la pousse. Du coup, Famileo est censée être une solution que toute la famille s’approprie, et cela crée la plupart du temps un cercle vertueux : les petits-enfants, les parents, les cousins s’y mettent, cela recrée du lien familial aussi entre les personnes des générations d’en dessous. Je suis prêt à parier que tu retournerais voir ta grand-mère plus souvent, accompagné d’autres membre de ta famille, si tu t’y mettais !
Quels sont vos défis pour les prochains mois ?
On vient de lancer une option « à domicile » : jusqu’à présent, Famileo devait être souscrite par une EHPAD, ce qui donnait accès aux familles de tous les résidents à cette interface, et c’est la structure elle-même qui imprime les gazettes, une fois que nous leur envoyons les documents que nous avons fabriqués. Maintenant, nous faisons aussi des envois de gazettes directement aux personnes qui vivent à leur domicile.
Il faut aussi qu’on fasse parler de nous, même si plusieurs milliers de gazettes ont déjà été imprimées. Je pense que Famileo pourrait aussi dépasser le cadre de la communication entre générations… Il y a beaucoup de personnes en situation d’isolement social pour des raisons de santé, les victimes d’AVC par exemple, ou parce qu’elles sont incarcérées, qu’elles n’ont pas d’accès à des ressources numériques par des manques de moyens, de connexion, et la fracture numérique existe aussi pour des personnes plus jeunes… On a aussi tout ça en tête.