Un an après la loi “Asile et Immigration”, des conditions toujours plus dures pour les personnes sans papier

Un an après la loi “Asile et Immigration”, des conditions toujours plus dures pour les personnes sans papier

On la connaît sous le nom de la loi Darmanin. La loi Asile et Immigration pas vraiment favorable aux personnes sans papier a récemment soufflé sa première bougie. Les associations de droits humains font le point.
28 January 2025
par Mursal Sayas
4 minutes de lecture

Il est des lois qui font des dégâts, notamment du côté des droits humains. La loi Asile et Immigration fêtait récemment son premier anniversaire. Lors d’une conférence de presse, les associations engagées sur le sujet ont fait le point.

Paris, 28 janvier 2025. Loin des promesses de liberté, égalité et fraternité, une conférence de presse tenue mardi au siège de La Cimade a dressé un tableau bien sombre. Une coalition d’organisations de droits humains et de collectifs de travailleurs sans-papiers était réunie pour marquer les un an de l’entrée en vigueur de la loi Asile et Immigration, dite loi Darmanin. Le poids de cette année— de peur, de lutte, d’invisibilisation — pesait lourd dans la salle. Ce n’était pas seulement une conférence, mais un cri de désespoir. Et ceux qui se tenaient devant la presse n’étaient pas seulement des victimes, mais des combattants. Pour la dignité, pour la justice, pour le droit d’exister sans crainte.

©Mursal Sayas

Loin des promesses de liberté, égalité et fraternité, une conférence de presse tenue mardi au siège de La Cimade a dressé un tableau bien sombre. Une coalition d’organisations de droits humains et de collectifs de travailleurs sans-papiers était réunie pour marquer les un an de l’entrée en vigueur de la loi Asile et Immigration, dite loi Darmanin. Le poids de cette année—de peur, de lutte, d’invisibilisation —pesait lourd dans la salle. Ce n’était pas seulement une conférence—c’était un cri de désespoir. Et ceux qui se tenaient devant la presse n’étaient pas seulement des victimes, mais des combattants. Pour la dignité, pour la justice, pour le droit d’exister sans crainte.

La conférence s’inscrit dans le contexte de l’annonce d’une nouvelle circulaire par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, adressée aux préfets la semaine dernière. Abrogeant la circulaire dite Valls de 2012, elle durcit un système déjà étouffant en supprimant notamment certaines possibilités de régularisation par le travail, ou pour les parents et conjoints de personnes françaises. 

La réunion inter-associative, co-organisée par une trentaine d’organismes dont Action Contre la Faim, La Cimade, Oxfam, le Collectif Sans Papiers 75 et Singa France, visait à exposer la réalité des conséquences de ces multiples assauts législatifs. L’abrogation de la circulaire Valls resserre l’étau autour des processus de régularisation mais aussi de l’aide médicale et des protections contre l’expulsion. Les intervenants, pour la plupart des représentants de collectifs de travailleurs sans papiers, n’ont pas mâché leurs mots : ces mesures ne sont pas de simples réglementations, mais des armes d’exclusion qui plongent des milliers de personnes dans une précarité constante.

“Le gouvernement démantèle systématiquement le droit”, déclare Fanélie Carrey-Conte, de La Cimade. Sa voix est posée, mais l’indignation y est palpable. “Cette loi ne se contente pas de restreindre les politiques d’immigration aux frontières; elle renforce également les menaces contre les réfugiés et les travailleurs sans-papiers déjà présents sur le territoire. C’est une politique de souffrance délibérée.”

Santé : une lutte quotidienne pour les sans-papiers

Anthioumane Touré, de l’Inter-collectif des Sans-Papiers, parle avec la force de son vécu. “La loi facilite la délivrance d’OQTF [obligations de quitter le même pour des personnes malades, qui ont une famille en France, ou qui viennent d’un pays en guerre. C’est inhumain.”

L’accès aux soins, un droit essentiel, menace de devenir un luxe pour les sans-papiers. La circulaire Retailleau propose de restreindre l’accès à l’Aide Médicale d’Etat (AME), laissant des milliers de personnes vulnérables.

“Même avec l’AME, les médicaments fournis sont souvent de simples antidouleurs génériques, plutôt que de véritables traitements”, raconte un participant, la frustration perceptible dans sa voix. “Mais sans elle, des gens mourront. C’est aussi simple que ça.”

La précarité au service de l’exploitation 

Abdoulaye Sidibé, un autre intervenant de l’Inter-collectif des Sans-Papiers, souligne une réalité cruelle : “Tout est en ligne—les demandes, les rendez-vous, les recours. Mais que se passe-t-il quand on n’a pas de smartphone, d’ordinateur ou de connexion Internet stable? Le système est conçu pour nous exclure avant même de nous donner une chance.”

Et puis, il y a la réalité du travail. “Sans-papiers, nous sommes les mains invisibles qui construisent la ville, préparent les repas, nettoient les maisons. Nous travaillons dans le bâtiment, la restauration, la logistique, l’aide à la personne—sous-payés, surmenés et sans protection. Ce n’est ni plus ni moins que de l’esclavage moderne.”

“Les employeurs savent parfaitement que nous n’avons pas de papiers”, ajoute Mariama Sidibé, porte-parole du CSP 75 et de la Marche pour la Solidarité. “Ils savent que nous ne pouvons pas nous plaindre. Ils utilisent notre peur contre nous.”

Pour les femmes sans-papiers, note Mariama, la peine est double. “Imaginez être une femme noire, sans papiers, travaillant sous les ordres d’un patron blanc. Vous acceptez l’impossible parce que vous n’avez pas le choix.”

Mariama Sidibé ©Mursal Sayas

Un des journalistes présents s’interroge sur la possibilité d’une grève nationale des travailleurs sans-papiers. “Si c’est ce qu’il faut pour obtenir l’égalité et les droits, nous sommes prêts”, déclare un militant. “Nous sommes l’épine dorsale de l’économie”, proclame un autre. “L’État profite de notre travail tout en nous refusant nos droits. Imaginez ce qui se passerait si nous arrêtions de travailler—ne serait-ce qu’un jour.” L’avertissement est clair. 

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Mursal Sayas est une journaliste et activiste afghane engagée pour les droits des femmes. Jusqu’à la prise de Kaboul par les Talibans, elle travaillait à la radio et à la télévision, ainsi qu’au sein de la commission indépendante afghane des droits de l’Homme.

Elle rejoint la France en 2021, d’où elle continue son parcours d’activiste et signe des chroniques dans des médias comme Courrier International. Elle dirige aussi l’association Women Beyond Borders.

En janvier 2024, elle publie un livre, “Qui entendra nos cris ?”, paru aux Éditions de l’Observatoire. Il s’appuie sur des témoignages recueillis à Kaboul pour décrire et dénoncer la persécution des femmes en Afghanistan.