Lallab a pour origine l’initiative personnelle de Sarah Zouak, fondatrice du Women SenseTour – in Muslim Countries créé en Février 2014. Ce projet a pris la forme d’un voyage de 5 mois dans 5 pays pour aller à la rencontre de 25 femmes musulmanes actrices du changement et agissant pour l’émancipation des femmes.
L’objectif du voyage était déjà de déconstruire les préjugés et de changer l’image des femmes musulmanes constamment représentées comme soumises, oppressées et/ou victimes, à travers notamment la réalisation d’une série documentaire (5 épisodes et un long métrage) dont voici le premier teaser:
De retour en France, face à l’ampleur des problématiques soulevées par la thématique des femmes musulmanes, mais surtout face au manque de contrepoids pour apporter un éclairage différent, les filles décident de continuer le travail et d’aller encore plus loin en co-fondant Lallab en décembre 2015. Leur mission:
Lutter contre les préjugés subis par les femmes musulmanes – liés au genre, à la race et à la religion – et susciter l’inspiration pour permettre aux femmes de devenir pleinement les actrices de leur propre vie.
Trois des fondatrices, Justine Devillaine, Attika Trabelsi et Sarah Zouak se sont pliées au jeu de l’interview à 3. Puis quelques jours après, on a continué à creuser le sujet sur le plateau média de la Gaité Lyrique lors de l’avant-première du documentaire.
Qui sont les filles derrière Lallab?
Attika : Lallab c’est la rencontre de 5 supers meufs, rien que ça !
Sarah : On est les deux co-fondatrices avec Justine mais il y a aussi le bureau de l’association composé de 3 super badass féministes qui changent le monde :
Il y a Sarah Toumi, notre Présidente : elle est entrepreneuse sociale, fondatrice de l’association Dream in Tunisia et Acacias for All. Elle est également Ashoka et Echoing Green fellow, lauréate du prix “Women for Change” de la Fondation Orange, Tedx speaker ou encore listée parmi les 100 entrepreneurs sociaux “30 under 30” de Forbes… je continue?
Sarah Toumi, au centre, dans son projet de lutte contre la désertification des terres en Tunisie
Wow! Ok une « badass » hyper-active quoi!
Justine : Oui! Pour la petite histoire, Sarah Toumi était l’une des 25 héroïnes du Women Sense Tour rencontré lors de l’étape 2 en Tunisie. C’est elle qui a soufflé à Sarah l’idée de créer une association pour continuer ce travail sur les préjugés sur les femmes musulmanes. Alors quelques mois plus tard, c’est tout naturellement que nous nous sommes tournées vers elle pour lui demander d’être présidente de Lallab.
Sarah : L’autre badass c’est Attika notre trésorière ! C’est également une serial-entrepreneuse sociale, Présidente de l’association d’éducation populaire Solidascension, membre de makesense et fondatrice d’une banque éthique.
Attika : Et enfin nous avons la merveilleuse Laura Lardy en Secrétaire ! Laura est juriste, enseignante de Droit, militante féministe intersectionnelle et fondatrice Co-Présidente d’une association de lutte contre le viol et les agressions sexuelles.
« J’espère qu’elles comprendront que leur voile est un signe de soumission…”
Quelles sont les questions les plus fréquentes (et les plus relou) qu’on vous pose ?
S : “Non mais en vrai elles sont discriminées par rapport à quoi ces femmes musulmanes ?”
A : Ou :“C’est leur père ou leur mari qui leur ont imposé le voile ?”
J : “Elles sont hyper inspirantes ces femmes, mais j’espère qu’elles comprendront que leur voile est un signe de soumission…”
Les femmes musulmanes seraient par essence “ soumises, oppressées, victimes, aliénées ou passives”…
Les préjugés auxquels vous êtes les plus souvent confrontées ?
S : Les femmes musulmanes seraient par essence “ soumises, oppressées, victimes, aliénées ou passives”… Mais ! elles savent faire de super plats : couscous et gâteaux arabes…
A : C’est même pas une blague on entend vraiment ça ! L’idée qui ressort de plus en plus et qui nous inquiète vraiment c’est cette idée que les femmes musulmanes seraient “différentes de nous”, elles ne sont pas “pareil”. On renvoie aux femmes musulmanes leur illégitimité à être ici, en France.
J : Par exemple, il y a quelques semaines Sarah est intervenue devant 200 lycéens et leur a demandé d’écrire de façon anonyme les mots ou remarques qui leurs viennent en tête quand on dit “femmes musulmanes”. Voici quelques phrases que l’on a pu lire :
« Souvent voilées, ce qui ne devrait pas être le cas dans un pays laïc. »
« Femme d’une autre culture. »
« Elles ne vivent pas de la même façon que nous. »
« Femme qui a la foi en Islam, avec une culture étrangère à la culture occidentale qui dérange souvent. »
« Femmes qui ont une religion différente de nous. »
« Culture de la femme objet, appartenance à une personne. »
Justine et Sarah avec Marjenah Halati lors de leur voyage en iran
Ok alors quelles questions aimeriez-vous entendre plus souvent ?
A : « Est ce qu’on peut organiser une projection/débat dans notre ville pour donner la parole aux femmes musulmanes ? »
S : « Mais pourquoi on n’entend pas plus souvent ces super femmes musulmanes dans nos médias ? »
J : « Qu’est ce qu’on peut faire à notre échelle pour lutter contre ces discriminations ? » Promis, on a de super réponses pour ces questions !
Quel est votre plus gros challenge du moment ?
J : Ohlala on en a beaucoup : les médias, les intellectuel.le.s, certaines féministes et même une banque qui nous a refusé l’ouverture d’un compte en banque pour notre association car on parle de “femmes musulmanes”. C’est vous dire le boulot qu’on a !!
Votre rêve le plus fou avec Lallab ?
A : Vivre dans une société qui n’a pas peur de l’altérité et qui permet à chaque femme de s’épanouir non pas malgré ses identités multiples mais grâce à elles.
S : Nous façonnons un monde dans lequel les femmes choisissent en toute liberté les armes de leur émancipation. Avec Lallab, on veut être créatrices de nos récits ! Et on y croit !
Les activités de Lallab s’articulent autour de 4 pôles, qui remplissent tous un double objectif : déconstruire les préjugés et inspirer.
Un Magazine : un magazine en ligne qui a pour mission de révolutionner l’image des femmes musulmanes et d’être le média francophone de référence sur la thématique.
Des ateliers de sensibilisation : des ateliers dans les lycées et les établissements du supérieur afin de sensibiliser et offrir des clés d’analyse pour comprendre et dépasser les discriminations multiples subies par les femmes musulmanes et encourager les jeunes filles à devenir les actrices de leur propre vie
Des échanges (dé)constructifs : des espaces de réflexions et de rencontres ouvert à tou.te.s
Une boîte de production : production documentaires de court et long-métrages