Lazare, l’aide est une notion réversible

Lazare, l’aide est une notion réversible

Depuis 2011, Lazare développe des colocations solidaires entre personnes sans abri et jeunes actifs partout en France.
09 February 2022
par makesense
3 minutes de lecture

Depuis 2011, Lazare développe des colocations solidaires entre personnes sans abri et jeunes actifs partout en France. Dans ce dispositif, la personne aidante devient aidée et réciproquement. Quels sont les ingrédients qui font sortir de la posture sauveur/sauvé ? Explications de Jeanne Larour et Maud Ridoux de l’équipe communautés de makesense.

La culture de l’égalité et la réciprocité

Dans les colocations Lazare, c’est une règle de base : le traitement est le même pour tous et toutes. Il n’y a pas des personnes logées en suite et d’autres dans 8m2, ici tout le monde a accès aux mêmes commodités ce qui permet d’emblée de gommer les différences. Que l’on travaille ou non, que l’on soit passé par la rue ou non, que l’on étudie ou non, le loyer est le même : 320 euros, un montant compatible avec le RSA pour les colocataires sans emploi.

Au-delà des aspects contractuels et matériels, vivre sur un pied d’égalité permet d’aller plus loin et de cultiver l’apprentissage de la réciprocité. Ici, les colocs prennent conscience que le besoin de soutien et de bienveillance est universel et pas seulement l’apanage de celles et ceux qui ont connu des galères. 

Par ailleurs, tout le monde fait l'expérience que chacun peut être une richesse pour le collectif, ce qui permet de balayer les clichés de la bonne action. Les échanges réciproques dans les gestes du quotidien mais aussi lors de moments exceptionnels permettent aux personnes anciennement sans abri d’exister en tant que membre d’une famille sans être infantilisées. Elles sont reconnues et utiles au même titre que les autres colocataires. Lorsque l’on cuisine, qu’on joue au scrabble, lorsqu’une personne est hospitalisée et qu’une permanence de visite est organisée, tout le monde participe. Chacun est valorisé par les attentions données ou reçues, une fête d’anniversaire, des photos sur les murs…

Un contrat organisationnel

Quand on pose aux colocataires la question du vivre ensemble, personne ne cache les difficultés et les conflits : vivre ensemble, ça s’apprend et le collectif, ça se travaille. L’envie et la volonté ne suffisent pas, il faut développer l’apprentissage quotidien du compromis, à la fois dans les relations interpersonnelles, lors de rituels collectifs, à travers une organisation formelle ou informelle. Si de nombreux points dépendent des choix au sein de chaque colocation, l'expérience d’erreurs passées a abouti à un système de valeurs et de règles non discutables (pas d’alcool, pas de violence, pas de nuitée de petits amis…). Leur acceptation est une condition qui prend la forme d’une charte à signer, de valeurs affichées dans les espaces communs.  Il y a des espaces établis pour le privé, le collectif et le public. Il y a aussi des rôles définis de responsables de maison, responsables de colocation, membres d’un conseil des sages qui accompagnent celles et ceux qui connaissent des difficultés, qui permettent d’engager des gens sur la durée et de faciliter le fonctionnement. 

Il y a beaucoup de monde dans le dispositif Lazare (il y a aussi des salariés à Nantes) mais chacun et chacune a un rôle à jouer et une responsabilité que l'on respecte. Si ce socle commun est indispensable, il se voit peu au quotidien. Dans les activités, les repas, les apéros, on a le sentiment que tous ces rôles s'évanouissent et qu’on est juste sur du bon temps et du vivre ensemble.

Une ouverture sur le monde

On pourrait penser que les communautés sont des entités fermées cultivant l’entre soi. Ici, c’est tout l’inverse. Ce qui frappe dans ces colocations, c’est à quel point on se sent intégré. Nul besoin de maîtriser des codes vestimentaires, comportementaux ou sociaux, on se sent chez soi quels que soient notre histoire, nos bagages… Les actions du quotidien sont aussi naturelles qu’inclusives. Aussi, le lieu est ouvert. Au-delà des colocataires, de nombreuses personnes viennent ici partager un moment : amis d’amis, bénévoles, personnes sans abri en attente d’un nouvel appartement...

Enfin, chez Lazare, le recrutement des colocs se fait grâce au bouche-à-oreille, au travail des ambassadeurs et ambassadrices du mouvement, elles et eux aussi colocataires et à des campagnes qui expliquent le concept sur un ton drôle et léger, posant d’emblée les bases du projet.

Lazare en chiffres

  • 200 colocataire, 12 logements
  • Depuis 2011, le projet s’est développé à Lyon, puis à Nantes, Marseille, Toulouse, Angers, Lille, Vaumoise, ainsi qu’en Europe à Bruxelles (Belgique) et Madrid (Espagne).
  • 95% des colocs se disent heureux ou très heureux de vivre à Lazare
  • 85% des colocs qui étaient à la rue retrouvent un logement stable en quittant Lazare, 40% retrouvent du travail

Le point de vue de Jeanne Larour

« Souvent, des personnes s’engagent dans des organisations associatives pour aider les autres sans avoir conscience que, par ce biais, c’est parfois elles qui sont bénéficiaires. Lazare permet de sortir de la dichotomie sauveur/sauvé et d’illustrer les atouts universels du vivre ensemble. »

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Pour aller plus loin

Un article Le Monde à la découverte de nouveaux phalanstères : « On a nos humeurs, mais le positif l’emporte largement » : l’aventure de la vie en communauté

Une vidéo humoristique sur le concept “disruptif” Lazare start-up 

Un article à la rencontre de Christian, SDF et vedette de Twitter, son "journal de rue"


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