Faire mieux avec moins, moins mais mieux ou mieux car moins. C’est le pari des low-techs, littéralement des basses technologies, pour qui la sobriété n’est ni un gros mot ni un vague slogan. La bonne nouvelle ? Ces solutions sont accessibles à tous, vous, moi, un enfant de 7 ans et mamie Renée.
L’idée n’est pas nouvelle. Dans les années 1970, Ernst Friedrich Schumacher, économiste germano-britannique, défend les « technologies intermédiaires », des techniques décentralisées et à taille humaine. 50 ans plus tard, le constat qui l’a amené à développer sa pensée sonne toujours aussi actuel : « Il suffit d’un simple coup d’œil pour comprendre qu’une croissance illimitée de la consommation matérielle est impossible dans un monde limité… ».
Tête de file d’une joyeuse bande d’inventeurs ingénieux et créatifs depuis bientôt quinze ans, Corentin de Chatelperron englobe sous le terme low-tech, une version plus sexy des « intermediate technologies » de Schumacher, toutes les technologies qui répondent à trois grands critères. Utile : répond-elle à des besoins de base ? Accessible : peut-elle être fabriquée et réparée partout dans le monde ? Durable : est-elle sobre en ressources et en énergie ?
Pensées à la mesure et à l’échelle de l’homme, ces technologies ont le grand mérite de pouvoir s’insérer dans notre quotidien, à peu de frais. En voici une sélection aux petits oignons, à décliner selon les possibilités de votre logement.
Dans la série accessible à tout le monde, du studio de 15 m2 sous les toits au palace de campagne.
La marmite norvégienne
L’efficacité thermique lors de la cuisson est loin d’être optimale. Par tous les temps, ce petit cocon pour casserole vous fera économiser de l’énergie, quelques gouttes de sueur et du temps.
Le principe est simple. Une fois la casserole portée à température, on coupe les gaz et on place la casserole couverte dans la fameuse « marmite norvégienne » pour une cuisson longue à l’étouffée. Cette marmite se décline à l’infini, selon la place dont vous disposez. Elle peut être un tiroir dédié, un assemblage de tissus et de couverture, pratique pour les petits espaces, ou encore une valise. Il en existe des très élaborées, en laine d’alpaga ou de mouton, vendues sur des sites spécialisés. Mais comme souvent, l’habit ne fait pas le moine et il suffit d’une couverture en laine, de carton, de papier journal et d’un peu d’alu ou d’un vieux paquet de chips pour que le tour soit joué.
Le bokashi de cuisine
Avis aux valeureux partisans et partisanes du compost, qui se sont débattus avec ces maudits drosophiles tout l’été, voici LA solution pour valoriser ses déchets organiques quand on ne peut pas les cacher tout au fond du jardin.
Le bokashi (qui veut dire en japonais matière organique fermentée) est un seau bien spécial aux trois très grandes qualités. Grâce à l’ajout de micro-organismes efficaces (ça en jette, on les appelle les EM dans le métier), les aliments fermentent mais ne pourrissent pas. Combiné à un couvercle bien hermétique, l’ensemble ne pue pas et peut être conservé dans la cuisine.
Sa deuxième vertu est de produire un jus de fermentation, excellent engrais pour vos plantes à condition de le diluer. Enfin, il se dégrade petit à petit en un compost maison, utilisable directement pour vos plantations, moyennant quelques petites manipulations. Tout comme les marmites norvégiennes, on en trouve des touts faits prêts à l’emploi sur le net, mais il est également assez simple de le fabriquer soi-même.
Pour les heureux et heureuses détentrices d’un balcon, a minima, une autre low-tech mérite le détour.
Le four solaire
On peut difficilement trouver plus satisfaisant que cette géniale invention. Après quelques heures de bricolage à la portée des plus débutant.es d’entre nous, le four solaire permet de cuire une foultitude de plats, des légumes au gâteau, sans aucune dépense d’énergie. Le soleil en fait son affaire, il faudra juste lui laisser un peu de temps.
Une multitude de tutos, plus ou moins ambitieux, tapissent la toile. Celui proposé par le low-tech lab est relativement simple d’accès et très bien expliqué. Vous pourrez également trouver votre bonheur sur leur site, où chacun y va de sa petite astuce. Plus longue à réaliser et plus encombrante, une version moultipass combine four – séchoir – glacière, rien que ça.
https://www.picojoule.org
Pour les plus téméraires, dans un logement individuel ou un champ.
Le biodigesteur
Voilà une innovation qui combine à la fois la production d’énergie pour la cuisson, la valorisation des déchets organiques et la production d’engrais. Le pied non ? Vulgarisé par l’association toulousaine Picojoule, le biodigesteur valorise les déchets organiques par fermentation anaérobique – un milieu privé d’oxygène. Nos épluchures de concombres et patates libèrent un biogaz, principalement du méthane, qui peut être employé pour la cuisson, ainsi qu’un digestat, le jus issu de la fermentation, qui constitue un très bon fertilisant. Cette invention inspirée de l’appareil digestif d’un bovin peut être réalisée à moindres coûts et s’adapter à vos besoins. En version meuble, il s’intègre dans une cuisine. La démarche est expliquée pas à pas, ici ou encore ici.
La liste des low-techs est encore très longue et réjouissante. Des toilettes sèches au poêle de masse, en passant par la culture en hydroponie sans oublier le vélo générateur d’électricité, la communauté rassemblée autour du low-tech lab fourmille d’idées sobres et ingénieuses. Pensée comme une démarche, les low-techs ont vocation à être enrichies et adaptées à chaque contexte, et partagées au plus grand nombre. En plus de prendre en compte les enjeux d’économie des ressources et d’énergie, ces technologies accessibles permettent de questionner et de se réapproprier ce qui semble évident dans notre quotidien : comment produit-on l’électricité, comment purifie-t-on l’eau…
Pour faire mieux, et moins ?
Pour continuer sur votre lancée
- L’âge des low-tech. Vers une civilisation techniquement soutenable, 2014, Philippe Bihouix (son livre ou ses très nombreuses interviews en podcast ou en vidéo). Incontournable sur le sujet, on parle même de « bihouicène » pour désigner l’ère des low-techs.
- Small is beautiful. Une société à la mesure de l’homme, 1973, Ernst Friedrich Schumacher. Il n’est pas vraiment passé à la postérité, pourtant ses écrits posent les bases de la pensée décroissante.
- Les aventures de Corentin de Chatelperron et son équipe, à bord du catamaran Le Nomade des mers, à retrouver sur Arte.
- Les actualités du low-tech lab : mine d’or de bonnes idées, tutoriels, événements, antennes locales et ateliers partagés.