Learning by acting, une évolution incontournable dans les établissements du supérieur

Learning by acting, une évolution incontournable dans les établissements du supérieur

Dans un monde en perpétuelle évolution, où les défis sociaux et environnementaux prennent de plus en plus de place, l'éducation supérieure se trouve à la croisée des chemins.
06 December 2023
par Victor Senave
6 minutes de lecture

Dans un monde en perpétuelle évolution, où les défis sociaux et environnementaux prennent de plus en plus de place, l'éducation supérieure se trouve à la croisée des chemins. Si le concept bien établi du learning by doing a longtemps été le fer de lance de l'apprentissage expérientiel, une nouvelle dimension émerge, propulsant l'éducation vers de nouveaux horizons : le learning by acting.

Le learning by doing a marqué une transition significative dans la manière dont nous concevons l'éducation. Il s'agit d'une approche pédagogique mettant l'accent sur l'apprentissage pratique, où les étudiant·es sont immergé·es dans des expériences concrètes pour développer leurs compétences. Cependant, face aux défis sociaux et environnementaux de notre époque, il devient impératif d'aller au-delà de la simple mise en pratique des connaissances théoriques.


Le learning by acting incite les étudiant·es à devenir des acteurs engagés dans la résolution de problèmes réels, transcendant les limites de la salle de classe traditionnelle. Il encourage les étudiant·es à intervenir sur le terrain, à s'impliquer activement dans des projets concrets au service des transitions de leurs territoires. En d'autres termes, il s'agit d'apprendre en agissant en faveur des transitions sociales et environnementales, d'intégrer les enseignements dans des contextes réels, où les enjeux sont palpables et les retombées directes.


Quelles compétences à la clé ?


Esprit d’initiative quand tu me tiens


Lorsque les étudiant·es s'engagent dans des actions concrètes, ils et elles se retrouvent souvent confronté·es à des défis imprévus. La nécessité de trouver des solutions en temps réel stimule leur capacité d'initiative. Cette confrontation directe avec l'inattendu va au-delà de la simple théorie enseignée en classe, mettant les étudiant·es dans des situations où l'application des connaissances devient une aventure dynamique. Pour reprendre leurs mots, “ce n’est pas comme si on regardait n’importe quel épisode de Black Mirror, mais on est dans Bandersnatch, leur seul épisode interactif où nous prenons les décisions pour le personnage principal.”


La nécessité de trouver des solutions en temps réel dans ces moments critiques ne se contente pas de solliciter leur capacité d'initiative ; elle nourrit également leur créativité et les pousse à explorer des alternatives innovantes.


Prenons l’exemple de la rentrée que nous avons organisée à l’ESSCA cette année pour leurs +400 étudiant·es en première année de Master, réparti·es sur cinq campus. Nous les avons invité·es à agir concrètement sur plusieurs problématiques, à savoir : l’isolement des personnes seniores, les inégalités de genres et VSS, et les enjeux de gestion des déchets.


Grâce à de nombreuses cleanwalks, les jeunes ont revalorisé quasiment 200kg de déchets et ont dû faire face à un défi inattendu lorsqu'on leur a interdit de déposer leurs récoltes sur l’un des campus. Plus que de les décourager, cet obstacle s’est avéré être une opportunité d'apprentissage unique. Malgré un problème assez simple ici, les étudiant·es ont dû repenser leur approche, chercher des solutions alternatives, et, développer leur sens de la diplomatie en négociant avec l'administration pour trouver des moyens de maximiser leur impact sans compromettre les ressources de l'école.

Cette dynamique d'adaptation face à l'imprévu s'avère être un terrain fertile pour le développement de compétences non seulement liées à l'initiative, mais aussi à la résilience et à la gestion efficace des situations d'incertitude. Les étudiant·es se forgent une confiance en leur capacité à influencer positivement leur environnement.


Esprit critique et approche nuancée


Spoiler alert : les enjeux sociaux et environnementaux auxquels on fait face aujourd’hui sont complexes car constamment changeants et interconnectés.


Le learning by acting met les étudiant·es face à cette réalité. Vous vous souvenez de nos jeunes de masters plus haut ? Ils ont été forcés de comprendre, lorsqu’ils envoyaient leurs 133 lettres à des aînés en situation de mort sociale (grâce à 1 lettre 1 sourire), que leur action, bien qu’importante, n’était qu’un engrenage parmi tant d’autres pour réussir à démenteler cette problématique sociale dont la source est multi-factorielle : une évolution démographique qui implique un vieillissement général de la population, des transformations familiales qui permettent bien heureusement à des modèles queers d’exister mais qui pour autant favorisent des situations de solitude, des avancées technologiques inadaptées aux compétences de nos aîné·es, des problèmes de santé mentale, une urbanisation trop rapide, des défis économiques, l'impact de la pandémie…


Ces problèmes exigent une approche holistique pour comprendre et aborder efficacement les multiples facteurs qui contribuent à l'isolement des personnes âgées. Le learning by acting offre aux étudiant·es une opportunité unique de plonger dans ces complexités - et c’est d’ailleurs pour ça qu’une vingtaine de jeunes ont décidé de rejoindre des marches bleues la semaine suivant la rentrée.

Ça m’a permis de me rendre compte de la solitude dont peuvent souffrir les personnes âgées et notamment mon grand père qui est récemment veuf et qui habite tout seul dans la campagne tourangelle.

François, étudiant en M1 à l’ESSCA

En abordant la question de l'égalité des genres et des Violences Sexistes et Sexuelles (VSS), la nuance a été essentielle pour comprendre que les actions visant à promouvoir l'égalité ne peuvent pas être uniformes, mais doivent s'adapter aux réalités spécifiques de chaque contexte :

  • Pour rendre les milieux festifs étudiants moins dangereux, grâce à un kit d’action proposé par #NousToutes, les étudiant·es sont allé convaincre 7 bars et boîtes de se former aux VSS et de mettre de la signalétique sur le sujet.


  • Plusieurs collectes ont été lancées avec Règles Élémentaires pour agir face à la précarité mentsruelle.



Les étudiant·es ont dû naviguer dans des zones d'ombre, reconnaissant que la lutte contre les VSS implique non seulement des mesures préventives, mais aussi des dispositifs de soutien aux victimes et une remise en question des normes culturelles sous-jacentes. La complexité de ces enjeux les a obligé·es à se confronter à l'imperfection inhérente aux solutions et actions volontaires, tout en les encourageant à persévérer dans la recherche de changements concrets.

Genre, les solutions, c'est pas des trucs magiques, individuellement. Seulement quand tu les articules ensemble ça commence à marcher. C'est plutôt des actions variées qu'on fait ensemble pour régler les problèmes à la base, là où ça déraille.

Laura, étudiante en M1 à l’ESSCA

Le learning by acting constitue un laboratoire vivant où les étudiant·es apprennent que la nuance, la patience, et la persévérance sont des éléments-clés pour influencer positivement des systèmes souvent réticents au changement.


Plus que des compétences : un réseau


En impliquant les étudiant·es dans des actions concrètes aux côtés d'acteurs associatifs locaux, d’entrepreneurs sociaux, de responsables en RSE/DD dans les entreprises, le learning by acting constitue une pépinière de contacts professionnels. Cette immersion sur le terrain crée des occasions authentiques de première rencontre entre les jeunes et les acteurs phares du changement.


Quelques exemples pour mieux comprendre :



Au-delà d’élargir leurs horizons professionnels, c’est une occasion pour les jeunes de déconstruire leurs préjugés sur les secteurs liés au développement durable : en démontrant la diversité des métiers, en valorisant l'impact positif qu'ils peuvent avoir sur la société, en découvrant des salaires tout à fait honorables à la clé, etc.


Et ça ne s’arrête pas là : les jeunes élargissent leurs horizons, mais les acteurs de la transition obtiennent une opportunité de “chasser des têtes” comme on dit ! Une collaboration organique entre les étudiant·es et les professionnel·les, créant des liens basés sur l'action concrète et l'engagement.


Le learning by acting n’en devient qu’un levier plus puissant pour transformer l'éducation supérieure en permettant aux étudiant·es de s'insérer avec succès dans un marché du travail en évolution constante, tout en contribuant activement à la construction d'un avenir durable déjà pendant leurs études.

Acteurs rencontrés lors de la rentrée des masters à l’ESSCA


Qu’est-ce qu’en disent les étudiant·es qui ont testé ?


Engagé·es dans un marathon plutôt qu'un sprint face aux enjeux sociaux et environnementaux, ils et elles ont développé un imaginaire positif essentiel en découvrant tout un tas de solutions portées par différentes parties prenantes :

On nous bassine sans arrêt en disant que c'est à nous, les jeunes, de bouger, et franchement, c'est décourageant. Mais après cette demi-journée, je réalise qu'il y a déjà plein de solutions partout. Peut-être que tout ce que j'ai à faire, c'est de m'associer à tout ça, de mettre mes forces là-dedans, et enfin de me battre pour quelque chose qui me motive vraiment, au lieu de lutter contre un avenir tout pourri.

Jeanne, étudiante de Kedge en première année

Le learning by acting met en lumière la force du collectif et du faire-ensemble :

Honnêtement, quand on nous a dit qu'on devait trouver une solution au défi de cet entrepreneur, j'ai eu un gros moment d'imposture. Je réalisais pas encore que bosser en équipe pouvait nous amener à une solution aussi cool. C'est dingue ce qui peut se passer quand tu combines nos cerveaux avec un peu de méthode !

Amina, étudiante à l’ESSCA en première année

En adoptant cette méthodologie, les participant·es découvrent un retour au sens du service et du don plutôt qu'à une simple logique d'échange :

J'ai grave kiffé bosser sur le truc de l'égalité femmes-hommes. D'habitude, je suis pas trop du genre à donner de mon temps, mais là, je vois que c'est à la portée de tout le monde, que c'est pas compliqué d'agir. Dans les prochains jours, je vais checker les autres thèmes proposés, histoire de retrouver ce sentiment d'être utile.

Lucas, étudiant en M1 à l’ESSCA


On s’y met ?


Intégrer cette méthodologie dans les établissements d'enseignement supérieur répond aux défis actuels tout en propulsant ces institutions vers l'excellence éducative, idéal pour se distinguer dans des classements comme ChangeNOW.

Le learning by acting devient un investissement stratégique, propulsant les établissements au-delà des frontières traditionnelles de l'éducation. En embrassant cette méthodologie, ils forment des leaders et leadeuses conscient·es, agiles et engagé·es, sculptant un avenir éducatif où l'impact et la transformation sont les maîtres-mots de l'excellence.

Pour en discuter, n’hésitez pas à me contacter : victor@makesense.org.