Des autoroutes qui se muent en espaces verts, des panneaux publicitaires bannis du paysage, des vélos qui remplacent les voitures, partout dans le monde, des villes font leur mutation écologique. En route pour un tour du monde des bonnes idées citoyennes et politiques, de Séoul à Bruxelles.
Les rapports du GIEC ne laissent pas de doutes : sans changements à grandes échelles de nos manières de produire et de vivre, la perspective peu réjouissante que notre monde finisse en étuve géante s’approche à grand pas. Dans un océan de déclarations politiques promettant de grands changements plus ou moins respectés (coucou les accords de Paris ou les COPs), certaines villes ou collectifs montrent qu'avec un peu de volonté politique, il est possible de déplacer (ou d’éviter de les déplacer) des montagnes dans le bon sens. C’est parti pour un tour des grands projets urbains (mais pas que) ambitieux partout dans le monde.
1. Séoul : quand les autoroutes se transforment en rivières
Quand la municipalité de Séoul a envie de remettre du vert en ville, elle n’y va pas par quatre chemins (sans mauvais jeux de mots). C'est l'histoire d’une rivière souterraine (Cheonggyecheon de son doux nom) recouverte par une autoroute aérienne de 14 voies qui traversait la ville et sur laquelle roulaient plus de 170 000 véhicules par jour. En 2003, suite une prise de conscience écologique de la municipalité qui a à cœur de remettre au centre le bien-être (et les poumons) de ses habitants : bye bye l’autoroute. De grands travaux viennent remettre à jour la rivière urbaine sur plus de 5 kilomètres et les voitures sont désormais invitées à circuler sur un boulevard urbain réduit à… 4 voies.
Les avantages d’un tel projet sont multiples : la baisse de la pollution de 35% liée au gaz d’échappement des voitures d’abord, mais aussi la baisse de la température de 3 à 4°C grâce aux arbres. Et puis les oiseaux, insectes et autres animaux y trouvent leur compte car la biodiversité a été multipliée par cinq depuis la réhabilitation de la rivière.
Planter des arbres n’est cependant pas la solution miracle : les experts alertent sur le fait qu’il faut au moins 70 ans pour absorber le CO2 émis par la plantation des arbres.
2. Utrecht aux Pays-Bas : une route transformée en canal
Même type de projet, autre continent. Aux Pays-Bas, à Utrecht, un ancien canal permettant d’accéder à une zone commerciale est transformé en autoroute en 1976. Dès les premières heures, les habitants se mobilisent contre le projet, demandent le retour de l’eau… Au fil du temps, la mobilisation citoyenne gagne peu à peu du terrain, allant jusqu’à un référendum dans les années fin des années 90, où le “oui” à l’intégralité restauration du canal l’emporte. Des travaux de réaménagement sont alors engagés et on trouve le long du canal lieu de promenade, une scène musicale et un théâtre.
© Sebastião Salgado
3. Brésil : une immense forêt replantée
La déforestation au Brésil atteint des chiffres record : 46% des émissions de gaz à effet de serre du pays viennent de la déforestation et cette pratique a des répercussions dramatiques sur la biodiversité et les populations locales. Parce que c’est un territoire qu’il a tant aimé, le photographe et grand voyageur Sebastião Salgado a réussi à inverser un peu la coupe de l’histoire.
Après un tour du monde à le photographier, lorsqu’il rentre chez lui, dans le Sud-Est Brésil Sebastião Salgado se désole de voir que ce qui était autrefois une terre riche en biodiversité a été transformé en terre aride par la déforestation et l’extraction minière. Qu’à cela ne tienne, en 1999, il lance avec sa femme Leila l'ambitieux projet d’acquérir des terres pour y replanter des arbres. L’idée ? Recréer une forêt. Trente ans plus tard, la forêt s'étend sur plus de 600 hectares et abrite 172 espèces d’animaux.
« Si l’humanité veut survivre, elle doit protéger la nature. C’est sans doute banal à dire, mais avec Lélia on continue d’agir, explique Sebastião Salgado dans le magnifique film Le sel de la terre (de Wim Wenders). Avec Instituto Terra, on a élargi notre projet de reboisement à toute la vallée du rio Dulce, qui a la taille du Portugal ! Le fleuve qui la traverse est condamné par l’extinction progressive des 250 000 sources faute d’arbres. Avec leurs branches, leurs racines, ceux-ci jouent un rôle de rétention, de réservoir d’humidité, de régulateur. Sans eux, pas de source. Pour faire comprendre le programme, on parle de « replanter des sources ». Car si on ne fait rien, le fleuve sera sec en 2038 ! […] Notre plan prévoit la plantation de 70 millions d’arbres. On a commencé et on va y arriver… »
4. Grenoble : l’interdiction de la publicité (à 90%)
Cela fait depuis 2015 que la ville de Grenoble a interdit les publicités dans l’espace public. Même si la municipalité n’a pas réussi à interdire l’affichage numérique, elle montre par l’exemple, que oui, c’est possible d’instaurer de telles mesures. Un mouvement qui implique de se priver des recettes financières liées à cette activité, soit l’équivalent de 500 000 euros de redevance annuelle (à Paris, ce seraient 40 millions d’euros qui ne rentreraient pas dans les caisses de la ville). Une des mesures qui a permis à Grenoble d’être élue “Capitale Verte Européenne 2022”.
5. Amsterdam, Oslo, Bruxelles : vers la disparition de la voiture en centre-ville
Amsterdam est déjà connue pour être la ville de la mobilité douce et le paradis du vélo. Mais la ville voit plus loin et aimerait bannir l’essence et le diesel d’ici à 2030. Elle s’en donne les moyens : outre les pistes cyclables, la piétonnisation des rues du centre ville, l’interdiction du diesel, les prix prohibitifs (600 euros pour avoir ne serait-ce que l’autorisation de garer sa voiture), des mesures qui devraient peu à peu faire disparaître l’automobile… Selon LeMonde.fr, Oslo, la capitale de la Norvège n’est pas en reste : les voitures sont déjà interdites en centre ville et des centaines de places de stationnement ont été supprimées afin d’élargir les trottoirs et faciliter la circulation sur les pistes cyclables.
Dans la ville de Bruxelles, plus de 50 hectares du centre-ville sont déjà entièrement piétons. Cette piétonnisation a été impulsée par le bourgmestre de la ville en 2015, et même si elle a connu une certaine résistance de la part d’une partie des riverains, l’idée a fait son chemin et aujourd’hui la ville a la plus grande zone d’Europe interdite aux voitures.
6. L'arrêt de grands projets “inutiles”
Moins impressionnants que les grands projets de rénovation, la plupart des actions qui ont un fort impact sont finalement les projets “inutiles”… qu’on ne réalise pas ! Notamment parce qu’ils viennent rajouter des centres commerciaux, aéroports et autres entrepôts Amazon qui artificialisent les sols et tuent les commerces locaux. L’ensemble des luttes contre ces grands projets inutiles sont recensées sur cette carte créée par le site Reporterre. Certaines de ces luttes ont déjà porté leurs fruits : l’ abandon d’Europa City, un grand projet immobilier rassemblant centres commerciaux et de loisirs dans le Val d’Oise ou encore la fameuse ZAD (Zone à Défendre) de Notre Dame des Landes, aujourd’hui devenue un symbole fort. Une lutte plus actuelle a lieu contre les méga-bassines (un projet de bassins géants de retenues d’eau en Haute-Vienne perturbant le cycle de l’eau, pour résumer de manière très sommaire) pour laquelle il y a une grande mobilisation le weekend du 25 et 26 mars.