Terre Terre, la ferme urbaine pour les jardiniers en herbe

Terre Terre, la ferme urbaine pour les jardiniers en herbe

À Aubervilliers, une nouvelle ferme urbaine est récemment sortie du bitume. Bienvenue à Terre Terre où Marie a ramené sa fraise pendant une journée.
19 April 2024
par Marie Hazan
5 minutes de lecture

Enfilez vos bottes, sortez vos serfouettes, aujourd’hui, on part jardiner à Terre Terre, la nouvelle ferme urbaine made in la Sauge à Aubervilliers.

9h45, dans un écrin de verdure au cœur d’Aubervilliers, les tasses s’entrechoquent et les effluves de café se dispersent. Bénévoles, employés, services civiques et stagiaires partagent une boisson chaude avant de mettre la main (verte) à la terre : nous sommes chez Terre Terre, une ferme urbaine à partager de l’association « La SAUGE » (pour Société d’Agriculture Urbaine Généreuse et Engagée). Ouverte en 2020, elle est un lieu de partage et de transmission, dans lequel on peut se retrouver, pour apprendre à jardiner ou simplement pour profiter de la verdure.

Le breuvage avalé, tout le monde se met en cercle. Nous sommes une dizaine. Un à un, on se présente, tout en ajoutant un mouvement à l’échauffement. Aujourd’hui, c’est jeudi : jour des bénévoles. En cette journée de fin mars, ils sont deux : Victor, un étudiant qui a découvert l’association grâce à ses études, et Esther, grand-mère d’un petit garçon de 13 ans, qui veut apprendre à jardiner pour être capable de faire son potager.

Déchignonner le chignon

Terre Terre, c’est 3000 m2 co-construits avec les locaux, un potager des habitants, un espace où boire un verre, des buttes de plantations en pleine terre (sur la droite, quand on passe le portail) et une pépinière. C’est dans cette dernière que nous suivons Sébastien, responsables de l’animation du chantier bénévole cette semaine. Derrière la porte, des rangées de boutures de sauge, de romarin, de thym, ou d'arbustes fruitiers, et des dizaines de cagettes remplies de plants de fraisiers. Sébastien donne les directives « Ce matin, on va faire du déchignonage de fraisiers. Prenez une cagette et installez vous où vous voulez ». Il explique ensuite que ce mot compliqué (mais amusant) signifie simplement « défaire les chignons racinaires (les amalgames de racines) qui compromettent la pousse. ». Merci Jamie !

Une fois que tout le monde a récupéré ses fraisiers, Sébastien prend le temps de montrer toutes les étapes à Esther, pour qui c’est une première : « D’abord, tu prends ton sécateur, et tu coupes toutes les feuilles mortes ou abîmées. Puis tu sors la plante du pot, tu coupes quelques centimètres de racine, et tu défais les autres, en retirant un peu de terre. Ensuite, tu prends un nouveau pot, tu y mets du terreau bien humide, et tu replantes ton fraisier en faisant attention à bien tasser sur le dessus. Et voilà, tu répètes l’opération ! ». Toute la pépinière en prend de la graine et répète le mouvement. Certains s’installent sur les tables, d’autres s’assoient à même le sol, en petit groupe.

Entre deux coups de sécateurs, les discussions vont bon train. Sébastien allume l’enceinte, on travaille en musique. De quoi planter les fruits, tout en remuant du cocotier.

Fais nous une fleur, garde la pêche et ramène ta poire 

Au total, ce sont plus de 3000 fraisiers qui attendent patiemment de passer chez ces coiffeurs en herbe, avant d’être vendus à des particuliers comme à des professionnels. Il faut être efficace car le planning est serré ! Sébastien détaille « En ce moment on rempote et on fait nos semis à fond ! On est sur les 2-3 semaines de rush, après on passe à la vente. », puis poursuit « La plupart de ce qu’on retrouve ici, dans la serre, ça vient directement de Terre Terre. Ce sont des boutures soit de nos jardins partagés, soit des plants mères qui sont au niveau des buttes, à l’entrée. ». Pour abattre ce travail, de nouveaux créneaux bénévoles sont ouverts, « Normalement les journées des bénévoles, c’est seulement jeudi et vendredi, mais en ce moment on a ajouté un créneau le mardi, le temps du rush », précise-t-il. 

Capucine, en stage de 6 mois au pôle animation, détaille « Au niveau des bénévoles, on a un peu tous les profils, et toutes les motivations. Les habitants viennent pour mettre les mains dans la terre et partager, les étudiants sont davantage poussés par leur conscience écologique. ». Esther, elle, a chaussé ses bottes rouges, poussée par la volonté d’apprendre à faire son potager. Elle explique « L’an dernier, j’ai planté des carottes, mais je les ai trop serrées et elles n’ont pas poussé. Donc là, je veux apprendre à bien faire, pour être capable d’entretenir un beau potager plus tard. » elle ajoute, « Je me suis aussi inscrite à un atelier pour le truc qu’on fait avec les légumes, là... Comment on dit ? Ah oui ! Le compost ! ».  La démarche d’Esther s’inscrit complètement dans l’objectif principal du lieu : faire jardiner tout le monde 2 heures par semaine, afin de leur donner toutes les cartes nécessaires pour entretenir leur propre jardin.  

Aujourd’hui, c’est rempotage, mais les missions des bénévoles sont variées : ils font tous les travaux nécessaires à l’entretien d’une ferme, du bricolage au jardinage en passant par l’entretien des potagers. Mélissa, chargée de communication pour l’association, détaille, « En comptant les jardins partagés et les trois fermes de l’asso, on reçoit au moins 5000 bénévoles par an ! »

Pour devenir bénévole dans une des fermes de La Sauge :

Pour devenir bénévole dans une des fermes de La Sauge : rendez-vous sur l’onglet « Devenir Bénévole ! » de https://www.lasauge.fr/, puis payez votre adhésion annuelle de 5,80 euros. Une fois l’adhésion prise, vous pouvez réserver des créneaux de bénévolat dans l’une des quatre fermes de La SAUGE, sur des journées entières ou des demi-journées. Autrement, vous pouvez aussi passer par Bénénova pour effectuer des missions ponctuelles sans adhérer à l’asso. 

La pollinisation des fermes 

À côté d’elle, assise en tailleur entre deux cagettes de fraisiers, Maelle. Habituellement en alternance à « La Plaine Terre » de Saint Denis, elle vient prêter main forte et en profite pour parler de la petite dernière de La SAUGE. Elle explique « Plaine Terre a été lancée l’an dernier. On y produit des légumes, mais surtout : des graines de courge, de basilic, de laitue, de tomates, fleurs, petits pois, ou encore de haricots. Il n’y avait plus de ferme à graines en Ile de France avant qu’on s’installe ! » Puis poursuit « Pour le moment, c’est pas ouvert au public. Là, on essaie de former une communauté de bénévoles qui s’engage sur 3 à 12 mois. On les autonomise un maximum, on les fait monter en compétence, pour ensuite ouvrir de nouveaux créneaux bénévoles et faire en sorte que ça fonctionne ! ». 

Avant Terre Terre et la Plaine Terre, la SAUGE a ouvert La Prairie du Canal à Bobigny. C’est la plus vieille des fermes de l’asso. Située sur une ancienne friche industrielle, les plantations en hors sols, les poules, et les soirées open air avec DJ, cohabitent. En semaine, le bénévolat est dédié au jardinage, et le week-end, aux open airs : de quoi satisfaire les plus grands DJ (Disc Jardinier).  

Au-delà des frontières de la région Ile de France, la SAUGE est également (im)plantée à Nantes, avec la ferme urbaine l’Argonaute. 

Il est 12h45, on rempote des fraisiers dans la bonne humeur depuis 2h30.  La team cuisine entre dans la serre « A TAAAAAAAAABLE ! ». Tout le monde pose son sécateur, se lave les mains, et part partager un déjeuner, offert par l’association. Après ça, les bénévoles de l’après midi débarqueront pour partager une boisson chaude avant de mettre la main (verte) à la terre. Les effluves de café se disperseront, et vous connaissez la suite : ils ramèneront leurs fraises pour remporter des fraisiers. Cocasse.