La démocratie est-elle en panne ? À l’heure des taux d'abstention record, du 49.3, de la montée de l’extrême-droite, d’un débat électoral compliqué, on est en droit de se poser sérieusement la question. Une fois le constat posé, qu’est-ce qu’on fait ? La révolution ? Pourquoi pas… En attendant, certain·es se retroussent les manches autour de projets citoyens ou politiques, à petite ou grande échelle. L’idée ? Réinventer la démocratie, sans nécessairement réinventer la roue. Suivez le guide !
1. Apprendre à reprendre le pouvoir avec Tous Élus
Cette association apartisane, née en 2018, s’est d’abord attaquée à la sous-représentativité des jeunes dans les mairies de France grâce à des formations et un MOOC. Ces outils apartisans permettent à chacun de peaufiner un programme ou de constituer une liste… Bref, tout ce qu’il faut pour se présenter sereinement aux municipales. En 2022, leur programme “Et pourquoi pas toi ?” forme des jeunes à se présenter comme député·es aux législatives (seuls 2% des députés ont moins de 30 ans au parlement).
2. S’informer sans se faire embobiner
Quels sont les médias qui ne sont pas possédés par des milliardaires ? Pas beaucoup. Pourtant, une information pas trop influencée par des intérêts économiques semble être une bonne base pour prendre des décisions éclairées. Et les décisions éclairées c’est un peu la base de la démocratie. Voici une infographie réalisée par Le Monde Diplomatique pour se rendre compte de qui possède quoi en France, sachant que certains média mettent en place des dispositifs en interne pour limiter au maximum l’influence de leur propriétaire et préserver leur indépendance éditoriale.
3. Consulter le peuple avec les RIC
Le Référendum d’Initiatives Citoyennes est un outil plébiscité par les Gilets Jaunes pour faciliter la consultation du peuple sans passer par l’Assemblée. L’idée ? Créer un “site lisible et efficace, encadré par un organisme indépendant de contrôle où les gens pourront faire une proposition de loi. Si cette proposition de loi obtient 700 000 signatures alors [elle] devra être discutée, complétée, amendée par l’Assemblée nationale qui aura l’obligation (un an jour pour jour après l’obtention des 700 000 signatures) de la soumettre au vote de l’intégralité des Français.” On lit sur le site du RIC que les bénéfices seraient nombreux : remettre du pouvoir dans les mains des citoyen·nes, donner la possibilité de faire des choix éclairés car ancrés dans la réalité du terrain, favoriser l'égalité des chances, et renforcer la stabilité juridique mise à mal par l’alternance de couleurs politiques. Une quarantaine de pays l’utilisent régulièrement. En France on n’en est pas encore là : le président a retoqué la proposition du RIC et préféré renforcer le référendum d’initiatives partagés, dont l’influence est moindre.
4. Se former à la rhétorique
Et si on était (presque) aussi bon que les politicien·nes pour faire passer nos idées ? Clément Viktorovitch, connu pour son décryptage des discours politiques, notamment sur Clique ou France Télé a une idée pour y arriver : apprendre à décrypter les discours politiques, leurs sophismes pour arrêter de se faire manipuler et faire des choix politiques plus éclairés. Il propose même d’instaurer des cours de rhétorique au lycée, comme la philo, de quoi créer une génération de citoyen.nes engagé.es, passionné.es de débats, qui ne gobe pas le premier discours venu. En attendant son livre “Le Pouvoir de la rhétorique” fait office de manuel d'autodéfense rhétorique, parfait pour s’entraîner avant les présidentielles.
5. Impliquer monsieur et madame Toulemonde avec la Convention Citoyenne
On a pu voir ce processus démocratique à l’œuvre à l’occasion de la Convention Citoyenne pour le climat en France impulsée par le mouvement des Gilets Jaunes en 2019. Cette initiative rassemblait 150 citoyen·nes tiré·es au sort qui ont réfléchi pendant plus de 9 mois aux mesures qui permettraient de réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40 % d'ici 2030 par rapport à 1990. La convention a émis 149 propositions sociales et économiques au Président de la République. Une grande partie des mesures a été vidée de leur substance au moment de leur vote à l'assemblée, ce qui est bien dommage. Cela reste un outil démocratique puissant, éprouvé par de nombreux pays, comme l’Irlande qui l’a utilisé à deux reprises en 2015 et 2018 pour le mariage homosexuel et l’avortement.
6. Vivre la démocratie avec Démocratie Ouverte
Ce collectif rassemble des acteurs professionnels, des collectivités et des citoyen·nes qui cherchent à trouver des solutions innovantes pour “transformer la démocratie et la rendre plus ouverte”. Leurs outils ? Le plaidoyer (avec notamment une tribune dans Le Monde avec plus de 300 signataires), la connexion entre les acteurs de la démocratie via une carte collaborative, des débats, ateliers, rencontres et même un laboratoire de la démocratie pour mener des expérimentations d’innovation démocratique. Avec tout ce jus de cerveau, la démocratie de demain est entre de bonnes mains.
7. Mieux voter avec Mieux voter
Si le vote est critiqué comme outil démocratique, il n’en reste pas moins utile pour des consultations à grande échelle. Comment le rendre plus efficace, plus juste ? Le jugement majoritaire, soit un vote qui permet de donner des appréciations à partir d’une échelle de valeurs (bien, très bien, passable, oui, un peu comme lors du conseil de classe) à des mesures ou des candidats permettent d'atterrir sur un résultat plus juste et plus représentatif de l’opinion des votants. Il est même possible d’organiser sa propre élection en quelques clics pour tester l’outil in vivo.
8. Choisir les projets avec les budgets participatifs
Dans la grande majorité des cas, les budgets municipaux sont gérés par le conseil municipal, lui-même élu tous les 6 ans. Les habitant·es ne décident directement que de 2% de l’allocation de ce budget. Depuis 2014, 21 villes ont adopté le budget participatif. L’idée venue de Porto Alegre au Brésil permet aux citoyen·nes d’affecter une partie du budget de leur collectivité territoriale aux projets de leur choix. De la rénovation de la salle des fêtes à l’installation de jardins partagés, cet outil de consultation permet de voir le résultat concret.
9. S’investir dans les conseils participatifs
À Saillans, un village dans la Drôme, une liste participante a chamboulé l’ordre établi lors des dernières élections : « Pas de programme, pas de candidats, la liste c’est vous ! ». Rassemblé.es contre l’ouverture d’un supermarché, en 2014 les villageois.es ont créé une liste participative. C’est-à-dire ? Plutôt que déléguer le pouvoir au maire, les habitant·es constituent un conseil participatif qui prend la forme de groupes de travail thématiques pour prendre des décisions liées à la vie locale. Malgré les limites de ce genre d’initiatives plutôt énergivores, ça n’en reste pas moins un exemple pour celles et ceux qui voudraient faire de la politique autrement.
Si ces initiatives peuvent jouer un rôle, ce sont avant tout des décisions … politiques qui permettront de réformer en profondeur la démocratie pour la rendre plus ouverte : limiter l’influence des lobbies, financer des initiatives qui repensent la démocratie, renforcer l’indépendance des médias… Et là, il y a encore du boulot !