Le domicile est le lieu où l’on est libre d’être nous-même, d’accueillir nos proches, de nous ressourcer. L’endroit où l’on passe presque ⅓ de notre temps est intimement lié à notre santé mentale. Comment faire en sorte qu’il reste un lieu de préservation de notre bien-être ? Réponse avec Sophie Bressé, secrétaire générale de la Fondation du Domicile.
Un esprit sain dans un domicile sain
Le logement est à la fois un lieu d’accueil et de refuge, aménagé à notre image. “Faites comme chez vous”, dit-on quand on veut nous mettre à l’aise. Le domicile est en quelque sorte un reflet de notre vie intérieure et, par extension, de notre santé mentale. Si celle-ci se dégrade, notre chez-nous s’en retrouve nécessairement affecté. À l’inverse, “quand notre santé mentale se dégrade, c’est le premier lieu qui se transforme”, affirme Sophie Bressé, Secrétaire Générale de la Fondation du Domicile. En effet, s’il n'est plus un espace de lien, d'autonomie décisionnelle, de sécurité, de participation sociale, notre état mental peut s'altérer, jusqu’à provoquer de forts sentiments de solitude, dépression, angoisses, etc.
L’importance du domicile sur notre bien-être est d’autant plus importante aujourd’hui qu’on y passe de plus en plus de temps. L’espérance de vie a augmenté, on vieillit plus longtemps chez soi et la covid-19 est passée par là. Confinement, télétravail, systèmes de livraison, il n’a jamais été aussi facile de ne pas dépasser le pas de sa porte. Pour le meilleur et pour le pire. Qu’ils soient émotionnels, cognitifs ou psychiatriques, lorsque les troubles de la santé mentale émergent, le domicile devient alors un endroit tout aussi difficile à habiter que le monde extérieur.
Une chambre à soi ?
Quel impact direct le domicile a-t-il sur notre santé mentale ? Sophie Bressé l’explique en deux effets. Il peut être facteur de dégradation, lorsqu’il devient lieu d’isolement ou d’impuissance, de violence ou de privation de liberté, ou facteur de protection, lorsqu’il est espace porteur de liens sociaux positifs, de cohésion et de sécurité. Il a un impact qui va au-delà de notre propre personne. Tout cela peut avoir des répercussions sur celles et ceux qui entourent la personne fragilisée, famille, amis, colocataires… qui endossent souvent le rôle d’aidants. La santé mentale chez soi est une problématique intrinsèquement sociale.
“ Notre domicile, c’est notre refuge intime. Mais il doit aussi être un espace de participation à la société. C’est dans cet équilibre que se construit, se préserve, et se rétablit parfois, notre santé mentale… Cela dit aussi, en creux, combien l’absence d’un chez-soi peut être source de déséquilibre et combien le domicile peut, à l’inverse, devenir un piège, s’il est synonyme de grande solitude ou de violence.”
(Re)mettre la santé mentale au cœur du foyer
Dans une époque où les crises économiques, écologiques, sociales s’enchaînent à un rythme effréné, les sentiments d’impuissance et de détresse sont de plus en plus présents. De nombreux jeunes sont touchés par des comportements dépressifs, on parle de nouvelles angoisses comme l’éco-anxiété, les seniors sont plus isolés que jamais et le digital a réinventé notre manière d’interagir dans notre lieu de vie. Pourtant, c’est en préservant sa forme et santé mentale que l’on peut passer à l’action.
Face à l’ampleur du problème, le gouvernement a fait de la santé mentale la grande cause nationale en 2025. Mais cela doit être l'affaire de tous et toutes. Puisque la santé mentale est aujourd’hui une problématique sociétale, et qu’elle doit être traitée comme telle, la Fondation du Domicile met cette problématique au cœur de son appel à projets 2024. Quoi de mieux que de commencer en refaisant du logement un lieu où l’on se sent en sécurité, prêt à agir, en lien avec soi et ses proches ?
Pour cette édition, la Fondation du Domicile récompensera cinq lauréats sélectionnés parmi des initiatives qui font du domicile un lieu de construction, protection et réparation de la santé mentale. Les projets doivent s’inscrire dans l’un de ces cinq axes thématiques :
- “Le domicile comme espace d’éducation et de construction de la santé mentale”, pour apporter aux parents et aux jeunes les clés de l’apprentissage de l’hygiène mentale, des rituels à préserver, des dialogues et des réflexes à adopter lorsque l’on remarque l’apparition de troubles.
- “Vieillir chez soi en lien avec le monde et ses proches”, afin de construire des solutions pérennes autour de la santé mentale pour le mieux vieillir. Alors qu’un tiers de la population aura plus de 60 ans en 2050, l’enjeu est plus important que jamais.
- “Le domicile comme abri et espace de reconstruction”, pour proposer du soutien aux personnes fragilisées, victimes de violences ou de traumatismes, et leur permettre de trouver en leur foyer un espace de rétablissement sain et serein.
- “Le domicile comme lieu d’innovations thérapeutiques et de soin dans le traitement des maladies mentales”, afin de faire des habitations des lieux de prise en charge adaptés aux troubles mentaux, notamment psychiatriques et du neurodéveloppement, tant pour les patients que pour les aidants.
- “L’indispensable soutien à la préservation de la santé mentale des aidants” pour le soutien, le répit et la reconnaissance de celles et ceux qui donnent de leur temps pour aider leurs proches.
Financement et accompagnement : les Trophées en soutien des projets
Cette année, la Fondation du Domicile propose jusqu’à 12 000 € de soutien financier, ainsi qu’un accompagnement personnalisé par l’incubateur de makesense. « L’expertise de makesense nous est précieuse à double titre, explique Sophie Bressé. D’abord parce qu’elle promeut et soutient les acteurs émergents de l’économie sociale et solidaire ; et parce qu’elle met au cœur de l’accompagnement des acteurs de son incubateur les bonnes pratiques pour prendre soin de la santé mentale des nouveaux entrepreneurs et prévenir leur épuisement ». makesense a notamment publié sur le sujet un livre blanc Entreprendre sans se cramer, autour de la santé mentale des entrepreneurs et dirigeants et des bonnes pratiques pour la préserver.
Le sujet de la santé mentale s’est imposé ces dernières années comme un besoin essentiel. Le tabou des troubles mentaux se lève peu à peu et laisse place à l’hygiène mentale, le bien-être et le soin, de soi et des autres.
Pourtant, la dégradation de la santé mentale s’observe encore à tous les âges et dans toutes les sphères de la société. C’est la raison pour laquelle la Fondation du Domicile a décidé de soutenir, cette année, des projets qui agissent pour faire de notre principal lieu de vie un endroit de protection et d'entretien de la santé mentale.
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