OSKOUR, MON POTE EST MISO (et je parle pas de la soupe)

OSKOUR, MON POTE EST MISO (et je parle pas de la soupe)

Ton pote dérape en mode sexisme 3000 ? Voici quelques cartouches pour répondre sans s’énerver (ou presque) et ouvrir un vrai débat.
09 December 2025
par Louise Pierga
6 minutes de lecture

Quand ton pote commence à parler féminisme comme il parle de foot, il faut parfois sortir la trousse de premiers secours pédagogiques. Voilà de quoi limiter les dégâts sans finir en PLS.

On ne choisit peut-être pas sa famille, mais on choisit ses amis. Malheureusement, ça se saurait si tous nos potes étaient parfaits. Aujourd’hui on va causer de ce mec pris en flagrant délit de sexisme alors qu’il a le malheur d’être votre pote. KEUMANÇEFAISSE ? Attention si cet article prend des allures de tutos, il ne se veut pas dogmatique pour autant. Personne ne se laissera convaincre par quiconque lui dira qu’il pense mal. Seulement voilà, pour se muscler l’argumentaire il est parfois utile d’avoir quelques armes à dégainer face à un discours en plein dérapage sexiste pour tranquillement, l’air de rien, faire avancer la discussion et peut-être commencer à s’entendre sans se tendre. Pour cela je précise deux trois petites choses : 

  • Il n’y a pas un mais des féminismes (libéral, essentialiste, matérialiste, intersectionnel jeanne passe et des meilleures), au sein de chaque mouvement différentes mouvances) et donc autant de façons d’argumenter. Ma manière de présenter les choses n’est pas valable pour tout le monde donc prenez ce qu’il y a à prendre.
  • Il y a différents niveaux de sexisme. Entre ton pote qui trouve que le foot féminin c’est chiant et Andrew Tate il y a une petite marge de manœuvre (PHILIPPE ???). Bref, tous les discours ne sont pas adaptés à toutes les situations.
  • Il n’y a pas d’obligation à débattre (surtout si vous êtes une femme ou gay ou queer ou trans et donc particulièrement visé·e par le sujet). Il y a parfois une injonction à devoir toujours monter au créneau mais on a aussi le droit : 1/ de laisser couler, 2/ d’envoyer paître bêtement, parce qu’il peut s’avérer fatigant de devoir sortir ses arguments pour ce qui relève du bon sens.

Éléments de réponses à ces bribes de discours sexistes (presque pas caricaturés promis) :

“Gnagnagna moi t’façon je suis carrément féministe la preuve je pense que toutes les femmes sont des reines”

Aïe aïe aïe. Rien de pire que le sexisme qui se cache derrière un ersatz de féminisme et s’apparente surtout à du sexisme bienveillant. En guise de réponse je vous propose de lui rappeler qu’en France les reines on leur coupe la tête. Méfions-nous aussi des faux compliments du genre “les femmes sont plus douces et plus sensibles” qui mettent un gros seum car ça essentialise le genre. En revanche, reconnaître que l’éducation des garçons leur interdit ontologiquement la moindre sensibilité, ça oui c’est un autre sujet qui a brillamment été traité par Lucile Paytavin dans son livre Tu vas pas chialer comme une gonzesse ! (éditions La Meute). GO l’offrir au mâle alpha pour Noël (en croisant les ouads pour qu’il vous offre une séance de french manucure en échange)

“Gnagnagna moi dans mon couple je fais tout et ma meuf fait rien alors le féminisme ras la casquette”

Il est si simple de faire une généralité d’une situation rare et personnelle. Effectivement, le sexisme n’est pas vécu partout pareil et à des degrés différents ; certaines personnes y sont de fait moins confrontées et c’est tant mieux pour elle. Mais l’exception n’est pas la norme. C’est comme si vous disiez que la France n’est pas raciste parce que vous avez des potes racisés qui ont des postes cool, reconnus et bien payés. Tant mieux pour eux mais ça ne reflète pas la réalité.

“Gnagnagna toutes mes ex étaient zinzin t’façon”

Un propos que l’on peut croiser souvent et qu’il ne faut pas prendre à la légère. OK ce p’tit bonhomme a peut-être eu des relations foireuses. OK les filles avec qui il a été en couple ont sans doute des défauts genre COMME TOUT LE MONDE. Mais le simple fait de ne jamais se remettre en question et d’inculper toutes les femmes qu’on a croisées en les traitant de folles de surcroît c’est plutôt un redflag évident. Pour celui-là on va plutôt caler le dernier essai de Pauline Chanu Sortir de la maison hantée (éditions La Découverte) qui nous plonge aux origines du mythe de l’hystérie et nous invite à prendre avec beaucoup de précautions les hommes (et les femmes) qui disent d’une femme qu’elle est folle. Tant qu’on y est, dites-lui de lire de bestseller d’Adèle Yon Mon vrai nom est Elisabeth et vous finirez peut-être faire quelque chose de ce phallocrate en carton.

“Gnagnagna de toute façon on peut pas parler avec les féministes, elles veulent juste faire la guerre aux zhôms”.

Le féminisme est parfois accusé d’être radical (cf. l’insulte “féminazie” MDR) et c’est plutôt… rigolo. Si vous trouvez qu’une meuf est reloue parce qu’elle fait des collages dans la rue ou qu’elle vous rabat trop les oreilles en vous forçant à lire tous les essais féministes susmentionnés, gardez en tête que toutes les 7 heures une femmes est victime d’un féminicide ou d’une tentative de féminicide, selon le dernier rapport de Miprof. Alors oui on n’est pas obligé de commencer toutes ses phrases par “les hommes sont des monstres” mais quand il y a un cri de désespoir faut p’tet le comprendre aussi. 

“Gnagnagna oui mais #notallmen en fait, faut pas nous mettre tous dans le même panier”

Halte là, brandissez tout de go le dernier essai de Giulia Foïs Pas tous les hommes quand même ! (éditions La Meute, qui ne m’a pas filé de tune pour que je produise cet article promis). Elle analyse la viralité du hashtag #notallmen dégainé plus vite que son ombre par un paquet de chouineurs dès que l’occasion se présente (comme par exemple comme ça au hasard Balthazar le procès Pélicot PTET ?). Donner du #notallmen, ça empêche surtout de prendre en considération le caractère systémique des VSS. En sortant cet argument pour dire “euh moi j’ai jamais violé, en faitch” : 1/ d’abord de une, on va pas te donner une médaille ; 2/tu te dédouanes du cadre patriarcal dans lequel tu a été éduqué·e (que tu sois homme ou femme). 

La question n’est pas de mettre tous les hommes dans le même panier mais de constater que 97% des agressions sexuelles sont commises par des hommes et 96% subies par des femmes. Donc plutôt que de dire “nan mais moi chuis pur comme de l’eau de roche”, il est plus constructif de se demander à quel moment on a pu être complice (voire auteur de VSS) et comment s’améliorer, comment éduquer aussi ses enfants dans cette perspective. Bref faut sortir du MOIMOIMOI. 

“Gnagnagna t’façon on est trop en crise de la masculinité”

WARNIIIIING : on s’approche tranquillement des thèses masculinistes. Ce mouvement aux idées particulièrement rétrogrades séduit de plus en plus de jeunes aujourd’hui et ça a de graves conséquences. Par exemple, Sidaction a récemment publié les résultats d’une étude mettant en lumière l’influence du masculinisme sur la sexualité des jeunes et 31% des 16-34 ans se sentiraient ainsi “plus puissants” sans préservatifs… 

Puisqu’on en est encore à remplir la hotte de Noël, je vous conseille à ce sujet La crise de masculinité, autopsie d’un mythe tenace de Francis Dupuis-Déri (oui UN NHÔM). Ce chercheur et politiste y explique que la crainte d’une prétendue crise de la masculinité est cyclique. Elle revient sur le tapis dès lors que les hommes trouvent que les femmes prennent trop de place (= tout le temps). Il est toutefois amusant déprimant de constater que les hommes les plus riches et puissants du monde (Trump, Musk, Zuckerberg par exemple) brandissent ce drapeau de la masculinité en crise. Chelou non ? D’après l’analyse de Francis Dupuis-Déri, la crise de la masculinité permet de justifier les rôles genrés et la division du travail. C’est plus ingénieux comme concept pour maintenir le pouvoir en place. 

Si vous avez encore espoir d’échanger avec votre pote mascu, creusez toutefois la question de la masculinité. Comment la définirait-il ? Pourquoi perçoit-il une fragilisation de sa propre masculinité ? Comment l’idée lui est-elle parvenue ? Comment cela impacte concrètement sa vie personnelle ? Pourquoi toutes ces questions ? R. Levant, un prof en psycho a produit une étude selon laquelle plus les hommes adhéreraient à une masculinité hégémonique (= pas pleurer, être fort, jamais dire qu’on souffre et boire des bières pas bonnes) plus ils s’exposent à des risques d’anxiété, de dépression et de comportement suicidaire. Bref, la masculinité patriarcale tue les femmes, mais tue aussi les hommes.

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