Tout va bien, l’exil à hauteur d’adolescents et largeur d'esprit

Tout va bien, l’exil à hauteur d’adolescents et largeur d'esprit

Cinq adolescents réfugiés racontent l’exil autrement. Tout va bien, le premier documentaire de Thomas Ellis, met en lumière leurs rêves, leur courage et leur force de vie.
29 December 2025
4 minutes de lecture

Tout va bien, une phrase-mantra que 5 adolescents réfugiés répètent inlassablement à leurs parents restés au pays. Le titre du nouveau film documentaire de Thomas Ellis, le 7 janvier sur les écrans. À voir absolument pour regarder la migration autrement.

Dès les premières images, la caméra nous plonge sous l’eau, dans l’ébullition des vagues, un va et vient entre le fond de la mer et la surface, métaphore de la puissance de vie de 5 adolescents en exil que Thomas Ellis a décidé de filmer. Quelques minutes plus tard, tout va bien, nous voilà sur la terre ferme en présence d’Aminata qui avait 14 ans lorsqu’elle a fui la Guinée, Junior Ivoirien arrivé en France il y a 4 ans avec le rêve de devenir footballeur professionnel, Khalil, algérien de 16 ans depuis seulement deux mois à Marseille au début du film, Abdoulaye et Tidiane, deux frères partis seuls de Côte d’Ivoire.

Tous et toutes ont des points communs : ils sont mineurs, ont traversé seuls des déserts et des mers, sont arrivés à Marseille avec des rêves plein la tête et un même espoir : celui d’une nouvelle et meilleure existence. Et c’est avant tout cela que Thomas a voulu montrer dans son premier long métrage documentaire. "Je voulais faire un film de cinéma, mettre le spectateur à la place de ces jeunes pendant 1h26, explique celui qui, ces 15 dernières années, a navigué entre le journalisme, la production et l’entrepreneuriat social. Je me suis rendu compte que sur le sujet de la migration, on parlait toujours des problèmes. On se focalise généralement - et c’est nécessaire - sur les morts en mer ou les gens à la rue en occultant une dimension essentielle du départ : on quitte son pays parce qu’on a envie d’une vie meilleure. Et ça, on le raconte jamais ou peu.”

Extraordinairement ordinaire

Rendre visibles les invisibles dans leur quotidienneté, voilà ce qui anime Thomas qui a pris 4 ans à faire ce documentaire sensible et artistique. Ici, les visages occupent souvent tout l’écran, la musique se fait matière et l’on ne sait plus parfois s’il s’agit d’un film ou d’un documentaire. Si Thomas a réussi à se glisser au plus près de ces adolescents, c’est parce que la marche d’approche a été lente et progressive. “Quand je suis rentré vivre à Marseille en 2019, l’arrivée de mineurs non accompagnés était devenue un sujet brûlant dans les Bouches-du- Rhône. Certains hommes et femmes politiques les qualifiaient de délinquants, de filles et de garçons dangereux. Moi, je voulais juste comprendre comment des gamins qui viennent de l’autre bout du monde, viennent s'installer chez nous. En décembre 2019, j’ai commencé à contacter des associations qui s’occupent de leur mise à l’abri et de leur évaluation. J’ai visité des foyers, des hôtels sans filmer. J’ai rencontré des ados avec une envie et une force de vie incroyable : envie d’apprendre le français, de trouver leur place à l’école, seuls, sans parents. J’avais l’impression de voir des super-héros !

D’ateliers d’écriture en nuits passées à la gare Saint- Charles et dans les maraudes ; de journées dans les hôtels et les foyers, aux salles de classe en passant par le tribunal, Thomas affine son regard et s’arrête sur 5 adolescents qui se trouvent à des moments différents de leur intégration et de leur arrivée en France. “Je les ai rencontrés, on a appris à se connaître et après on a commencé à tourner.

Pendant le film, on les suit chacune et chacun dans leur quotidien fait de baccalauréat, d’amitié, de comptes TikTok, d’interrogatoire, de piercing, de CAP, d’école hôtelière, de matchs de foot, de baignade, de foyer, de Pape, d’amour, et de détermination chevillée au cœur et au corps… “Aminata, Khalil, Junior, Tidiane et Abdoulaye auraient pu être nos élèves ou ces jeunes que l'on teste s'ils étaient arrivés à Lyon, explique Alexandra, professeure à Vénissieux (69) qui a emmené ses élèves à une avant-première. Le film est bien entendu d'une grande vérité puisqu'il n'y a pas de mise en scène mais aussi parce qu'au delà des particularités du parcours de chacun et ses difficultés, il aborde des thèmes, l'entrée dans l'âge adulte, le deuil du passé, les rêves d'avenir, le rapport aux parents, l'amitié, ... qui parlent à tous.

Cet automne, 10 000 lycéens ont pu voir le film soutenu par le Ministère de l’Éducation nationale. Les avis sont unanimes et les retours très nombreux (Thomas a reçu des centaines de lettres) : ce documentaire fait du bien, pour les mineurs isolés, pour les personnes réfugiées, pour toutes celles et ceux qui sont d’ici et voient le racisme grimper en flèche. “Leur histoire m’a touchée et m’a fait réfléchir sur le courage des jeunes prêts à tout pour la liberté,” témoigne une élève. “Merci de mettre en lumière toutes ces vies, tous ces rêves que l’on oublie trop souvent ou auxquelles on colle des étiquettes. Votre travail est porteur d’espoir, et pour cela, merci”, ajoute une future travailleuse sociale. Les mots de Jackie professeur en lycée professionnel sonnent comme une synthèse et un élan : “Un documentaire qui ne peut laisser indifférent·e et qui expose d'autres visages et vies malmenées que les certitudes péremptoires des discours politiques actuels. La Vie est un long fleuve intranquille alors embarquons, ensemble, pour la conjuguer et apposer les couleurs du Vivre-Ensemble." Chiche ?

Tout va bien, Thomas Ellis, sortie le 7 janvier 2026.

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